HYGIENE PUBLIQUE ET RONGEURS

Le Dr. Romain Lasseur, Yoann Lecornec et le Dr. Kevin Dhondt, de IZInovation SAS et des laboratoires Charles Rivier, nous font part d’un protocole de mise en place d’une gestion intégrée des rongeurs en industrie pharmaceutique.

Le contrôle des rongeurs a été fortement impacté par les dispositions règlementaires récentes, à savoir le classement CMR des anticoagulants (réduction de la concentration en anticoagulants <30ppm dans les appâts) et l’interdiction de l’appâtage permanent. En effet, ce dernier point oblige le professionnel à prouver la présence de rongeurs au préalable de l’utilisation d’appâts contenant de l’anticoagulant. Ces évolutions réglementaires risquent de favoriser l’augmentation des populations de rongeurs, notamment des rongeurs commensaux comme le rat brun ou encore la souris, qui vont pouvoir se développer facilement avant d’être détectés lors d’un passage du professionnel, surtout si les visites de site sont très espacées dans le temps. IZIPest, votre expert en pest control vous propose une formation complète sur les rongeurs : CertiRongeurs®.

Contexte

 Ce dernier point est encore plus vrai sur des sites sensibles tels que l’industrie agroalimentaire et l’industrie pharmaceutique, où la présence du moindre rongeur fait courir à l’entreprise d’importants risques d’image, économiques mais aussi risques sanitaires. Néanmoins, ces nouvelles contraintes règlementaires sont, de notre point de vue, l’occasion de réfléchir aux pratiques et de les faire évoluer pour être en accord avec les attentes en termes de biosécurité, de démarche qualité , de connectivité et de protection environnementale . Nous nous sommes, pour cela, intéressés au pro- gramme de contrôle des rongeurs en place sur un site pharmaceutique français hébergeant des rongeurs d’élevage. Le principal risque pour ce site concerne, bien sûr, l’intrusion de rongeurs sauvages dans les installations pouvant alors transmettre des pathogènes aux rongeurs d’élevage. 

Un dispositif imparfait 

Sur ce site était en œuvre une approche du contrôle des rongeurs par triple ceinturage avec des postes contenant des appâts avec matière active (une ligne de poste le long de la clôture extérieure, une ligne de poste le long des bâtiments et un groupe de postes à l’intérieur des bâtiments). Ce dispositif a démontré de nombreuses limites. Premièrement, la consommation d’appâts (surtout en extérieur) n’indique pas quelle espèce a consommé (commensale ou champêtre). Deuxièmement, le dispositif met l’accent sur le contrôle des rongeurs extérieurs (clôture) qui sont des espèces sans intérêt sanitaire (mulots et campagnols) et augmente le risque d’intoxications secondaires (prédateurs). Troisièmement, il n’y a pas d’adaptation du dispositif entre les zones critiques et non-critiques. Quatrièmement, le délai entre la consommation des appâts et la mort n’empêche pas un rongeur sauvage de pénétrer dans les installations et d’y mourir. Et cinquièmement, la fréquence de passage du professionnel (1 passage/15j ou 1 passage/mois) empêche toute réactivité.Pour ces raisons, nous avons souhaité repenser complètement le dispositif de « gestion des rongeurs » de ce site pour que celui-ci réponde davantage aux exigences de la règlementation mais aussi et surtout aux attentes de l’industriel. 

Matériel et méthodes

La moindre contamination de rongeurs d’élevage par l’intrusion d’un rongeur sauvage coûte très cher à l’entreprise sur le plan sanitaire et économique. La refonte de ce dispositif de gestion des rongeurs a dû s’accompagner de réalisme d’une part par la nécessité de ne pas voir augmenter le nombre de contaminations et d’autre part par la mise en place d’un dispositif économiquement viable. Nous avons ainsi repensé ce dispositif en plusieurs étapes.

  • Herméticité des installations aux rongeurs : un diagnostic initial du site a permis de définir les zones critiques (bâtiment hébergeant une activité sensible facilement accessible aux rongeurs sauvages) et les principales voies d’entrées possibles des rongeurs.
  • Dissuasion : nous avons procédé à l’élimination des zones refuges accessibles aux rongeurs sauvages, à savoir les haies et buissons trop proches des installations.
  • Identification biologique : nous avons procédé à des piégeages dans toutes les zones du site et posé des caméras infra-rouges afin d’identifier toutes les espèces de rongeurs présents et leur répartition sur le site ; nous avons également procédé à une identification des prédateurs présents (fouines, oiseaux de proie nocturnes et diurnes).
  • Technologie : l’analyse des différentes technologies de détection/piégeage connectées a permis d’apporter de la réactivité et de l’information en temps réel dans le dispositif.

En extérieur 

Les travaux d’identification biologique menés sur le site nous ont permis de mettre en évidence que les rongeurs présents aux abords des clôtures du site (et globalement en extérieur) sont des mulots et campagnols uniquement. Ce sont ces rongeurs qui consomment les appâts dans les postes extérieurs (photo 1). Ainsi, l’utilisation d’appâts toxiques en extérieur a complètement été stoppée. En effet ces rongeurs entrent très peu dans les installations et sont à la base d’une chaine alimentaire naturelle dans laquelle il n’est pas souhaitable d’introduire des anticoagulants. Il a par ailleurs été décidé de favoriser la prédation naturelle en extérieure par la mise en place de perchoirs à rapaces. En intérieur Nous avons clairement pu montrer que les rats bruns sont essentiellement présents dans le réseau d’égout du site et peuvent établir des zones de terrier en sur- face s’ils y trouvent des zones de refuge et de la nourriture. Concernant le diagnostic initial de site, nous avons pu définir les zones critiques, c’est-à-dire celles hébergeant les activités contrôlées (rongeurs d’élevage) facilement accessibles par les rongeurs sauvages. C’est à ce stade que nous avons mis en évidence que le principal risque est porté par l’intrusion de souris sauvages livrées avec les marchandises et introduites directement dans les stockages ou entrant dans les installations par les chemins de câble. Elles peuvent également accéder aux installations en stationnant suffisamment longtemps dans des zones de refuge le long des bâtiments en attendant qu’une porte s’ouvre. C’est pour cette raison qu’en termes de dissuasion, nous avons fait éliminer toutes les zones végétalisées aux abords des bâtiments.

A RETENIR « Ce sont [des mulots et campagnols uniquement] qui consomment les appâts dans les postes extérieurs. »

Adaptation du dispositif 

Le nouveau programme de gestion des rongeurs sauvages pour ce site s’est concentré sur le piégeage mécanique de ces derniers le long des installations ainsi qu’à l’intérieur afin de renforcer l’efficacité et la neutralisation des deux principales espèces de rongeurs posant de réels enjeux sanitaires : le rat brun et la souris. Un mélange de pièges mono-captures connectés et des pièges multi-captures connectés (tuant par com- motion, CO2 ou par électrocution) ont été déployés autour et dans les zones critiques. En effet, dans ces zones, il est important de neutraliser le moindre rongeur qui s’introduit et de le savoir au plus vite pour réagir. Enfin, il a été mis en œuvre un cycle d’inspection du programme de gestion des rongeurs des principaux fournisseurs de l’entreprise afin de s’assurer que les matières premières arrivant sur le site ne renferment pas de rongeurs sauvages. 

Les résultats 

Depuis la mise en œuvre de cette nouvelle approche de gestion des rongeurs sauvages, ont pu être observés une baisse des occurrences de rongeurs en intérieur et une diminution drastique du délai entre la détection et la neutralisation du rongeur dans les installations, rendant alors cette réflexion totalement pragmatique. Par ailleurs, aucune contamination de rongeurs d’élevage n’a eu lieu.Là où l’utilisation d’appâts avec anticoagulants garde tout son sens dans le contrôle de fortes populations de rongeurs, la gestion intégrée des rongeurs en industrie peut tout à fait se concevoir avec davantage de piégeage. Les outils connectés permettent à l’ère du « Pest management en temps réel » de s’imposer et de proposer des solutions viables sur le terrain.

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